Profil

Apprendre

Apprendre à apprendre
Éducation / école
Formation des professionnels
Musée / exposition
Éducation thérapeutique
Education à la Santé
Éducation à l'environnement
et au développement durable
Démarches d’investigation
Approche de la complexité
Entreprise apprenante
Prestations
Contact
   
Nice

 

 

 

 

 

 

 

Un liquide aux mille vertus : l’urine…

Les urines sont méprisées à tord ; on les considère comme un vil déchet du corps. Au quotidien, on les laisse échapper sans une trop grande attention. La seule préoccupation est de trouver une « Madame Pipi » pour les évacuer darre darre ! A moins que vous soyez un adepte de l’amaroli.
Or ce liquide possède mille vertus, il peut nettoyer les plaies, traiter des mycoses, voire soulager certaines piqures ou morsures. Depuis la plus Haute Antiquité, il a permis de repérer nombre de pathologies. A court terme, son analyse permettra sans doute de dépister des cancers.

Les premiers emplois des urines datent du fonds des temps. Dès la préhistoire, ce précieux fluide jaune trouvait sa place dans la « trousse à pharmacie » en peau de bête. Les premiers Hommes ont vite fait de repérer qu’une blessure « soignée » à l’urine de première pression, c’est-à-dire de premier jet, se soignait plus vite et sans fièvre. Avec un avantage supplémentaire : pas question de la stocker. Elle pouvait servir directement du producteur au consommateur !
Dès qu’ils maitrisèrent l’écriture, les premiers savants ne purent se passer de vanter ses vertus thérapeutiques. Anciens égyptiens d’une part, Aztèques d’autre part, se félicitaient d’user de l'urine pour nettoyer les plaies et prévenir les infections. Ce que firent plus tard et plus largement les armées romaines en campagne.
Certes, cela peut surprendre… L’urine n’est-il qu’un liquide empli de déchets ? Comment peut-on se soigner ainsi ? Les a priori sont cruels ! Les solutions se révèlent dans la pratique. Pisser sur une plaie ou une morsure empêche celle-ci de s’infecter. Faute de mieux, l’usage confirmait l’efficacité…
Aujourd’hui, on sait le comprendre. Ce fluide possède de grands avantages : il est neutre –il ne brûle pas- et surtout il ne possède pas de microbes. Bien sûr, la personne qui urine doit flairer la bonne santé. Depuis, ses qualités ont rendu beaucoup de services à la chasse ou dans le passé sur les champs de bataille ; elles le restent dans les situations détresse. Sa pratique se trouve fréquemment décrite dans beaucoup de récits d’aventuriers.

L’urine, un médicament…

Les premiers savants se sont mis alors à chercher d’autres usages thérapeutiques. Certains ont toujours cours dans les médecines dites « naturelles » ou « alternatives ». L’urée, qui est un de ses principaux constituants, sert toujours en dermatologie. Un badigeonnage d’urine ramollit les croûtes et les callosités. Cette thérapie est encore conseillée pour soigner les champignons dermiques. Les « peoples » ne sont pas les derniers à s’en emparer. La chanteuse Madonna a confié récemment à la télévision qu’elle urinait sur ses pieds pour soigner ses mycoses.
Un autre usage depuis s’est répandu, aussi bien en Asie -on trouve cette pratique dans de vieux grimoires japonais- qu’en Afrique. Elle revient en force dans le monde occidental. Tout le monde se souvient d’être resté médusé devant ces scènes de la série Man vs Wild. Bear Grylls, où un des protagonistes, buvait sa propre urine !.. Rien de nouveau en fait, sous le soleil... Hippocrate, père de la médecine, prônait déjà son ingestion quotidienne.
En France, ce breuvage fut très apprécié à la Renaissance, la mode semble venir d’Espagne ou du Portugal qui avait due la rapporter d’Asie et non de Toscane, comme on l’écrit souvent. L’usage se répandit dans les cours royales. Elle fut très « mode » au temps du Roi Soleil. Madame de Sévigné écrivait le 13 juin 1685 : « Pour des vapeurs, ma très aimable bonne, je voulus, ce me semble, en avoir l'autre jour ; je pris huit gouttes d'essence d'urine ». Elle la conseillait également à sa fille pour rincer ses dents tous les matins et ainsi éviter ses terribles maux de dents.
Les apothicaires, les rebouteux, s’en emparent et l’affublent de mille vertus : de l'asthme aux  rhumatismes et jusqu’à la goutte. De nombreux remèdes sont alors supposés tirés de l'urine. Pour braver les réticences, elle est surnommée avec poésie : « la boisson d'or».  Au XVIIIe siècle, un traité vante les vertus d'un nectar qui « fleure bon la nature » ; son nom : « l'eau de Mille-fleurs ». Cette eau au nom si délicieux comportait des urines de vaches qui avaient brouté mille fleurs. Elle pouvait « soigner mille maux » ; notamment elle « purgeait l’organisme ». L’idée de la santé était alors de faire un beau nettoyage printanier, en favorisant les évacuations intestinales. Les miasmes d’alors, ce qu’on appellerait aujourd’hui « microbes », étaient boutés hors.
Actuellement, certains naturopathes proposent « l'urinothérapie » ou… « faire amaroli ». Pour une bonne santé, il recommande un « p'tit verre de pipi » le matin à jeun au lever. Juste « sorties toute chaudes » du méat urinaire et « les urines, c'est la forme pour la journée » !
Par contre, il est une autre pratique qui a totalement disparu. Jusqu’au début du XXème siècle, il était recommandé de laisser les tout-petits, emmaillotés dans leur lange. Ils devaient ainsi macérés dans leur urine à longueur de journées. On continuait «l’enveloppement à l’urine », celui qu’avait subi avec bonheur le foetus, du moins le pensait-on. Cette pratique était supposée prémunir des maladies infantiles en renforçant ce qu’on appelait « le terrain». La médecine va-t-elle confirmer l’urine comme un fortifiant des défenses immunitaires ? N’oublions pas que le futur bébé vit ses premiers mois de vie dans son sac embryonnaire dans lequel il ne manque pas de faire pipi !
Entre expérimentations douteuses et théories fantaisistes, comment trancher ? Aucune étude sérieuse n’a été entreprise pour confirmer son réel intérêt. Ce qu’on peut affirmer est que si l’urine n’est qu’un simple placebo, on ne lui connaît pas d’effets néfastes, du moins à dose limitée. En tout cas, au Japon, nombre de centenaires la recommandent comme « source de longue vie ». Il ne vous reste donc plus qu’à essayer pour vous.

Nos urines parlent de nous

Il est par contre un point nullement contesté : l’analyse des urines comme élément d’un diagnostic de santé. L'observation des urines est sans doute l'une des plus anciennes pratiques de ceux qui faisaient profession de santé. Des tablettes d'argile datant de 4000 ans avant notre ère l'attestent. Aux XVIIème et XVIIIème siècles, les analyses sont devenues plus complètes et quasi automatiques. Leur couleur, leur odeur, leur aspect et leur composition renseignaient sur le fonctionnement du corps et signaient la présence d'éventuelles maladies(1), d'infections… ou de préférences alimentaires.
Actuellement, leur analyse reste une pratique courante. Un temps délaissé au profit des analyses de sang, elles recommencent à prendre de leur importance. Pour connaître si les reins fonctionnent bien, une simple analyse d'urine chaque année le permet. La présence d'albumine, une protéine du sang qui ne devrait pas être filtrée peut indiquer une défaillance. Cela peut conduire à d'autres examens pour confirmation. Le dosage de la créatinine donne également une bonne idée de leur fonctionnement. On peut aussi doser l'urée : des analyses régulières sont conseillées en cas de diabète ou de maladie vasculaire. La présence de sang peut aussi révéler un problème des reins, mais éventuellement des uretères en cas de passage de calcul ou de polypes dans la vessie. Leur examen est devenu un test de routine chez les salariés afin de dépister certaines maladies professionnelles. Les personnes exposées à des produits toxiques sont les plus ciblées. Peinture, nettoyage des métaux ou des textiles, décapage, fabrication des parfums… de nombreux travailleurs sont en contact, parfois sans le savoir, avec des solvants dans leur métier. Une exposition régulière, même à faible dose, peut entraîner à plus ou moins long terme des atteintes aux reins, dont certaines sont irréversibles (2).
Et ce n’est pas tout… l‘analyse d’urine permet encore de signaler une grossesse ou la prise de drogues, voire de substances dopantes chez les sportifs. Toutefois, les analyses les plus fréquentes sont avant tout microbiennes. Le médecin fait une ordonnance où il indique « cytobactériologique des urines (ECBU) ». Cet examen cytobactériologique, éventuellement couplé à une prise de sang permet de détecter le germe responsable d’une infection et d’orienter très rapidement le traitement. Le but est d’identifier une pathologie urinaire comme une cystite, une infection de voies urinaires et de la vessie qui affecte une femme sur deux. Sans gravité, elle peut gâcher la qualité de vie par des récidives trop fréquentes.

Les urines et les cancers

De nos jours, les recherches sur l’urine sont légion. Un taux élevé  de l'hormone béta-hCG, secrétée par le placenta au moment où l'embryon se fixe dans la paroi utérine, fait suspecter un risque de trisomie 21 et peut conduire à la prescription d'une amniocentèse.
Pourra-t-on lire dans les urines la présence d’une tumeur maligne ? C’est le pari que font  des chercheurs de l'Université du Missouri. Les travaux sont bien avancés ; ils recrutent des participants pour un essai clinique sur un tel projet. Ils recherchent dans l'urine la présence de ptéridines. Le niveau de ptéridines, des composants organiques, augmente significativement chez les patientes potentiellement atteintes d’un cancer. Déterminer leur présence dans les urines permettrait de démasquer les tumeurs du sein avant même qu'elles n'apparaissent sur une mammographie.
De même, on espère remplacer la coloscopie, autre technique invasive, par un simple test urinaire. En se basant sur les recherches menées par l'Université d'Alberta, un laboratoire canadien prévoit de commercialiser un test urinaire qui déterminera la présence ou non de polypes dans le côlon. Qui n'en a pas rêvé ! Ce dépistage simple permettrait d'éviter cet examen ingrat aux personnes qui n'en ont pas besoin.
D’autres recherches fructueuses encore portent sur le cancer de la prostate… Actuellement, son dépistage repose sur un toucher rectal et le dosage sanguin de l'antigène spécifique prostatique (PSA), très controversé. Cet antigène est une substance secrétée par la prostate. L'augmentation de son taux permet de dépister le cancer de la prostate. Toutefois, s'il est spécifique de la prostate, il n'est pas uniquement lié à un cancer. Des infections, l'inflammation ou un adénome de la prostate ont le même effet. Désormais, un nouveau test urinaire permet d'évaluer le risque mais aussi la gravité d'un cancer, évitant des biopsies inutiles. Un gène, intitulé PCA3 (Prostate Cancer Gene 3), identifié en 1999, est présent en permanence dans la prostate, qu'elle soit normale ou hypertrophique. Le PCA3 est donc considéré comme un indicateur plus précis. En plus du risque, la gravité du cancer est également envisagée à partir du taux de PCA3 dans les urines. Il est fortement surexprimé -60 à 100 fois plus- dans les cellules cancéreuses.

Les urines parlent de notre société

Ajoutons enfin que l’urine n’est pas neutre dans notre inconscient collectif… Des soupeurs à l’ondilisme, les urines sont souvent assidues dans la petite et la grande littérature. Pour Vénus et Cupidon, le jet d'urine symbolise la fertilité. Equivalent romain du dieu grec Eros, Cupidon, cet enfant espiègle aux flèches redoutables continue d'être l'un des principaux symboles de la Saint-Valentin dans l’imagerie populaire….
Certaines statues, telles que le célèbre Manneken-Pis, le « gamin qui pisse » de Bruxelles, magnifie également la représentation du « pipi » dans la sculpture. Et Marcel Duchamp, le pape de l’art contemporain, quel objet utilise-t-il pour bouleverser radicalement l’art du 20ème siècle : un urinoir ! Son «ready-made » Fontaine est un bel urinoir standard en faïence blanche, recouverte de glaçure céramique, acheté à New-York. Il est présenté à l’envers et signé à la peinture noire «R.MUTT ».
Depuis, nombre d’artistes les ont introduites dans leurs œuvres pour provoquer le contemporain ! Andy Warhol a réalisé une série de tableaux appelés Oxidation paintings. Ce sont des « peintures » sur plaques de cuivre dont il oxyde la surface au moyen de sa propre urine ou de celle de ses amis. L’oxydation ainsi provoquée produit des motifs plus ou moins aléatoires. Si l’artiste italien Piero Manzoni influencé par les ready-mades de Marcel Duchamp se fait connaître par ses Merdes d'Artiste (en italien Merda d’artista), l’artiste niçois, Ben (Vautier) de l’Ecole de Nice, « s’approprie » un verre de pisse et le signe !.. Grand admirateur de Duchamp, il exposera un flacon d'urine étiqueté au Grand Palais lors de l'exposition « 72, douze ans d'art contemporain en France ».
Sa présence, comme élément significatif d’une société, se retrouve dans le cinéma. Dans son film, Paper­boy, la célèbre artiste Nicole Kidman, prix du 70e anniversaire du Festival de Cannes, joue une nymphomane qui urine sur le torse de Zac Efron. Un effet trash qui n’aurait rien de sexuel, paraît-il ! Il avait été piqué par des méduses ! La scène n’en demeure pas moins une séquence « phare » du cinéma contemporain.

Si vous souhaitez en savoir, si vous souhaitez obtenir les références de l’article
André Giordan, Le rein a bon dos, Lattès, 2017, chapitre 1

De même, si vous souhaitez investir dans l’urine, pétrole du 21ème siècle et devenir le futur Vespasien, cet empereur romain qui a fait fortune avec les urines.
André Giordan, Le rein a bon dos, Lattès, 2017, chapitre 2

1. Les doctes docteurs goutaient les urines pour savoir si elles étaient sucrées, signe de diabète…

2. Ces solvants sont également présents insidieusement dans de nombreux objets d’usage courant, comme les peintures d’appartement ou les vernis des meubles. Il nous faut nous en protéger et donc intervenir à Bruxelles. Faisons contre-pouvoir aux lobbies industriels…